Le Délai de Carence

A l’expiration d’un CTT ou d’un CDD, il ne peut être fait appel, en principe, à un salarié sous CDD ou sous CTT pour pourvoir le même poste, avant l’expiration d’une période légale appelée délai de carence.

Le délai de carence est égal au tiers ou à la moitié du contrat selon la durée du contrat (CTT ou CDD), renouvellement compris.

Il a pour objectif d’éviter de pourvoir des postes permanents en recourant à des contrats successifs.

Il ne s’applique que si les successions de contrats concernent le même poste de travail et non des postes différents.

Pour calculer la durée du délai de carence à respecter entre 2 contrats, on ne prend en compte que la durée du dernier contrat, renouvellement compris.

Le délai de carence doit être respecté entre chaque contrat, même lorsque le salarié intérimaire effectue plusieurs contrats successifs au sein de la même entreprise utilisatrice.

Depuis l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017, les branches utilisatrices peuvent fixer leurs propres règles sur les modalités de calcul du délai de carence et les exceptions au délai de carence. Plusieurs branches ont négocié des aménagements sur ce point.Le non-respect du délai de carence est sanctionné pénalement par une amende de 3 750 € à l’encontre de l’entreprise utilisatrice.

Calcul et application

A. Calcul du délai de carence

Le délai de carence applicable entre 2 contrats successifs commence à courir à partir du jour suivant le dernier jour du premier contrat.

A l’expiration d’un CTT ou d’un CDD, il ne peut être recouru pour pourvoir le même poste de travail à un salarié sous CDD ou sous CTT avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du premier contrat, renouvellement inclus (art. L. 1244-3 CT pour le CDD et L. 1251-36 CT pour le CTT).

L’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 a donné la possibilité aux branches utilisatrices de déroger aux règles du Code du travail sur les modalités de calcul du délai de carence (art. L. 1251-36 CT) et les exceptions à l’application du délai de carence (art. L. 1251-37 CT). 

Les branches utilisatrices peuvent donc adapter, par accord de branche étendu, les règles du Travail Temporaire sur le délai de carence, pour tenir compte des spécificités de leur secteur. Toutefois, ces adaptations ne peuvent avoir pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’EU (art. L. 1251-5 CT). 

En l’absence d’accord de branche étendu de l’EU sur le délai de carence, celui-ci est égal (art. L. 1251-36-1 CT) : 

  • au 1/3 de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est de 14 jours ou plus ; 
  • à la moitié de la durée du contrat si la durée de ce contrat, renouvellement inclus, est inférieure à 14 jours. La durée du contrat, servant de base au calcul du délai de carence, s’apprécie en jours calendaires. 

On prend en compte la durée du premier contrat, renouvellements inclus, pour calculer le délai de carence avant de conclure un second contrat. En cas de successions de contrats de mission sur le même poste, on retient uniquement la durée du dernier contrat conclu, dans la mesure où le délai de carence s’applique entre chacun des contrats conclus.

B. Application du délai de carence

Pour l’application du délai devant séparer les deux contrats, il est fait référence aux jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement concerné. La notion de « jours d’ouverture » s’entend comme jours d’activité. Elle ne se confond pas avec les jours d’ouverture aux clients ou aux fournisseurs (Circulaire du 2 mai 2002).

Lorsque les jours d’ouverture de l’établissement correspondent au temps de travail du salarié son décompte ne pose pas de difficulté. Cependant lorsqu’une partie de l’établissement (atelier, bureau) présente un nombre de jours d’activité supérieur à celui du salarié, il convient de retenir cette durée comme référence, dans le silence de la loi. Mais les activités annexes telles que les périodes de gardiennage ne peuvent être considérées comme des périodes d’ouverture de l’établissement.

Par Exemple : un contrat conclu du lundi 8 février 2021 au vendredi 26 mars 2021 a une durée de 47 jours calendaires pour un salarié employé du lundi au vendredi. L’un des ateliers de l’établissement fonctionne du lundi au samedi (sauf jour férié).

Le délai de carence est égal à 1/3 de 47, soit 15,66 arrondis à 16 jours. Décompté à partir du samedi 27 mars, il s’étend jusqu’au mercredi 14 avril. Un nouveau contrat peut donc être conclu à partir du 15 avril.

Si on avait retenu la seule durée de travail du salarié, un nouveau contrat n’aurait pu être conclu qu’à partir du 20 avril 2021.

S’il s’agit d’une entreprise à établissements multiples, seront pris en référence les jours d’ouverture de l’établissement où est affecté le salarié.

En tout état de cause, le décompte des jours d’ouverture de l’établissement s’apprécie sur la période au cours de laquelle se situe le délai de carence.

Le tableau ci-après illustre les cas qui peuvent se présenter selon que l’entreprise travaille 5/7 jours, 6/7 jours ou 7/7 jours :

Entreprise travaillant 5/7 jours Entreprise travaillant 6/7 jours Entreprise travaillant 7/7 jours
Durée calendaire du  contrat : du lundi 14 juin au 25 juin 2021 12 jours 12 jours 12 jours
Délai de carence :
½ temps *
6 jours 6 jours 6 jours
Jours de carence Du lundi 28 juin au lundi 5 juillet Du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet Du samedi 26 juin au jeudi 1er juillet
Date de début du
nouveau contrat
Mardi 6 juillet Samedi 3 juillet Vendredi 2 juillet

* Le contrat étant inférieur à 14 jours, le délai de carence à respecter est de la moitié de la durée totale du contrat.

Sans détail au niveau de la loi, on peut admettre que le délai de carence puisse également être décompté par demi-journée.

Par exemple, dans le cadre d’un contrat de 5 jours calendaires, le délai de carence est égal à 2 jours et ½. 

Pour un contrat de 25 jours calendaires, le délai de carence est égal à 8,33 arrondis à 8 jours et ½.

Notion de poste de travail : 

La notion d’identité de poste de travail s’apprécie en fonction de la nature des travaux confiés au salarié et non de la localisation géographique de leur exécution (Q/R n° 35 Circulaire du 29 août 1992). Le fait de mentionner dans les contrats successifs des qualifications différentes n’exonère pas l’employeur de respecter le délai de carence (Cass. crim. 28 mai 1991, n° 90-82.359)

En conséquence, lorsque le salarié est amené, dans le cadre de contrats successifs, à effectuer le même travail dans des lieux différents, l’employeur doit respecter le délai de carence (Cass. soc. 31 octobre 1989, n° 86-43.137).

Lorsque le poste ne peut être isolé, il y a lieu de se référer à l’ensemble des postes nécessitant la même qualification professionnelle dans l’unité de travail à laquelle était affecté le salarié dont le contrat a pris fin (atelier, chantier, service, bureau).

 

Exceptions

A. Exceptions posées par le Code du travail

Depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, les branches utilisatrices ont la possibilité de fixer leurs propres règles sur les exceptions à l’application du délai de carence (art. L. 1251-37 CT). 

Les branches utilisatrices peuvent donc adapter, par accord de branche étendu, les règles du travail temporaire sur les exceptions au délai de carence, pour tenir compte des spécificités de leur secteur. Toutefois, ces adaptations ne peuvent avoir pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’EU (art. L. 1251-5 CT). 

En l’absence d’accord de branche étendu de l’EU, les cas dans lesquels le délai de carence ne s’applique pas sont fixés par le code du travail. 

Une succession de CTT, sans délai de carence, est possible que si chacun des contrats a été conclu pour l’un des motifs suivants (art. L. 1251-37-1 CT) :

  • nouvelle absence du salarié remplacé lorsque le contrat est conclu pour assurer le remplacement d’une personne absente ou dont le contrat est suspendu (i.e. : Par nouvelle absence, il s’entend, lorsque le contrat est conclu avec un terme certain, soit de toute absence régulièrement justifiée (ex. : nouvel arrêt de travail ou prolongation de l’arrêt initial ou congé parental qui fait suite à un congé de maternité, etc.), soit l’absence d’un autre salarié qui occupe le même poste de travail que le salarié absent qui a fait l’objet du premier contrat de remplacement) ;
  • travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité ; 
  • emplois saisonniers ; 
  • emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI ; 
  • remplacement du chef d’entreprise ; 
  • rupture anticipée du contrat du fait du salarié (il est nécessaire d’en apporter la preuve) ; 
  • refus par le salarié du renouvellement de son contrat : un contrat peut être conclu pour la durée du contrat non renouvelé. 

Dans ces cas, un nouveau CTT peut être conclu sans attendre l’expiration du délai de carence (ex. : 2 contrats de remplacement, de saison ou d’usage constant).

B. Cas particuliers

  • Contrat pour ATA suivi d’un contrat pour remplacement : Un délai de carence doit être respecté entre un CDD pour ATA et un CDD en remplacement sur le même poste de travail (Cass. soc. 30 septembre 2014, n° 13-18.162 ; Cass. soc. 10 octobre 2018, n° 17-18.294). Cette décision, rendue dans le cadre de successions de CDD, est transposable à la succession de CTT pour ATA et remplacement sur le même poste de travail. Par conséquent, dans cette situation, il convient également de respecter le délai de carence. Cette jurisprudence ne concerne que l’entreprise utilisatrice dans laquelle aucun accord de branche n’a été conclu sur la suppression du délai de carence.
  • Contrat pour remplacement suivi d’un contrat pour ATA : Dans ce cas, il y a lieu de respecter le délai de carence. 
  • Contrats successifs pour le motif de recours « insertion » : Dans ce cas, il y a également lieu de respecter le délai de carence. 
  • Lettres de mission du CDI intérimaire : dans ce cas, le délai de carence ne s’applique pas pour les missions effectuées par le salarié en CDI intérimaire avec l’ETT (art. L. 1251-58-4 CT).

Ainsi, sur le même poste, dans la même EU, il n’y a pas de délai de carence à respecter entre 2 lettres de mission dans le cadre du CDI intérimaire, ou un CTT ou un CDD et une lettre de mission dans le cadre du CDI intérimaire, ou une lettre de mission dans le cadre du CDI intérimaire et un CTT ou un CDD. 

Dans les deux derniers cas, le salarié intérimaire ayant une lettre de mission est en CDI. Or, le délai de carence s’applique uniquement entre deux contrats temporaires, CTT ou CDD.

 

Sanctions pénales

Tout CDD conclu en méconnaissance du délai de carence est réputé à durée indéterminée et donne lieu à l’application de sanctions pénales. Pour le travail temporaire, seules des sanctions pénales sont prévues.

A. Sanctions pénales

Le non-respect par l’Entreprise utilisatrice du délai de carence est sanctionné pénalement par le versement d’une amende de 3 750 € au plus, et en cas de récidive, d’une amende de 7 500 € au plus et d’un emprisonnement de 6 mois au plus (art. L. 1255-9 CT).

Les articles L. 8231-1 et L. 8241-1 CT interdisant le marchandage et le prêt de main-d’œuvre illicite peuvent également être utilisés comme base de poursuite, notamment lorsque la succession de contrats sur le même poste se prolonge sans motif l’autorisant.

B. Sanctions civiles

Le Code du travail ne prévoit aucune sanction civile spécifique.

Toutefois, la Cour de cassation a admis que le salarié intérimaire. puisse agir en requalification en CDI auprès de l’ETT pour non-respect du délai de carence entre plusieurs contrats sur le même poste au sein de la même EU (Cass. soc. 12 juin 2014, n° 13-16.362). L’ETT et l’EU peuvent être condamnées in solidum à supporter les conséquences de la requalification en CDI, à l’exception de l’indemnité de requalification, dont l’entreprise utilisatrice est seule débitrice. (Cass. soc. 12 novembre 2020, n°18- 18.294).

 

Annexe 1 : Synthèse sur l’application du délai de carence

Pour savoir s’il y a lieu de respecter un délai de carence entre deux contrats, il faut procéder par étapes :

1ère étape : S’agit-il de CDD ou de CTT ?

La règle du délai de carence s’applique entre un CDD/CTT et un autre CDD/CTT.

Cas de successions de contrats Application du délai de carence
Selon la nature du contrat :
CDD ⇒ CTT OUI
CTT ⇒ CDD OUI
CDD ⇒ CDD OUI
CTT ⇒ CTT OUI
CDD ⇒ CDI NON
CTT ⇒ CDI NON
Lettre de mission du CDI intérimaire ⇒ CDD ou CTT NON
CDD ou CTT ⇒ Lettre de mission du CDI intérimaire NON
Lettre de mission du CDI intérimaire ⇒ Lettre de mission du CDI intérimaire NON

 

2ème étape : Les contrats concernent-ils le même poste de travail ?

Le délai de carence s’applique entre 2 contrats, CDD ou CTT, si et seulement s’ils concernent le même poste de travail dans l’entreprise.

La notion d’identité de poste de travail s’apprécie en fonction de la nature des travaux confiés au salarié.

Cas de successions de contrats Application du délai de carence
Selon la nature du poste :
CDD ou CTT sur un poste X ⇒ CDD ou CTT sur ce poste X OUI
CDD ou CTT sur un poste X ⇒ CDD ou CTT sur ce poste Y NON

 

3ème étape : Quels sont les cas de recours ?

Le délai de carence s’applique entre 2 CDD ou CTT dès lors que les contrats concernent le même poste de travail.

Le Code du travail prévoit certaines exceptions limitativement énumérées : la conclusion de contrats successifs sur un même poste de travail sans respect du délai de carence n’est donc licite que dans ces situations.

Cas de successions de contrats Application du délai de carence
Selon le cas de recours sur le même poste de travail :
 Contrat pour ATA ⇒ Contrat pour ATA OUI
 Contrat pour ATA ⇒ Contrat pour remplacement OUI
 Contrat pour remplacement ⇒ Contrat pour remplacement pour une nouvelle absence NON
 Contrat pour remplacement ⇒ Contrat pour ATA OUI
 Contrat pour usage constant ⇒ Autre CTT ou CDD NON
 Contrat pour emploi saisonnier ⇒ Autre CTT ou CDD NON
 CTT « complément de formation professionnelle » ⇒ Autre CTT ou CDD OUI
 CTT « difficultés sociales et professionnelles » ⇒ Autre CTT ou CDD OUI
 Contrat de mission-formation ⇒ Autre CTT ou CDD NON
 Contrat de professionnalisation en CDD ⇒ Autre CTT ou CDD OUI
 Contrat de professionnalisation intérimaire ⇒ Autre CTT ou CDD OUI
CTT ou CDD ⇒ Contrat de professionnalisation en CDD NON
 CTT ou CDD ⇒ Contrat de professionnalisation intérimaire NON