Ordonnance Macron
Négociation d’entreprise

 

 

L’ordonnance « Macron » du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective modifie fortement les principes de priorités des accords collectifs notamment entre les accords de branche et les accords d’entreprises.

 

Cette ordonnance fait partie des 5 ordonnances publiées le 22 septembre 2017 s’intégrant dans le projet plus large de réforme du Code du Travail.

 

TEXTES DE REFERENCE :

Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective 

 

Sommaire

 I. Hiérarchie entre accord d’entreprise et accord de branche

 II. Les négociations obligatoires en entreprise au niveau annuel et triennal 

III. Comment conclure un accord d’entreprise ?
A. Dans une entreprise sans délégué syndical
     1- Entreprise de moins de 11 salariés
     2- Entreprise de 11 à 50 salariés
         a. Entreprise sans comité sociale et économique
         b. Entreprise avec un comité sociale et économique
     3- Entreprise d’au moins 50 salariés
         a. Entreprise sans comité social et économique (PV de carence total)
         b. Entreprise avec un comité social et économique
B. Dans une entreprise dotée de délégués syndicaux
     1- Qu’est-ce qu’un accord majoritaire ?
     2- Qu’est-ce qu’un accord minoritaire ?

IV. Le contentieux sur les accords collectifs

V. Articulation accord collectif et contrat de travail

 

 

 

I. Hiérarchie entre accord d’entreprise et accord de branche

 Consacrant le principe de primauté de l’accord d’entreprise, l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative  au renforcement de la négociation collective donne la possibilité aux entreprises de déroger aux accords de branche, même de manière moins favorable pour les salariés, quasiment sur tous les thèmes de négociation.

Les thèmes de négociation sont répartis en 3 blocs de la manière suivante :

Le premier bloc définit les stipulations des accords de branche auxquelles il ne peut être dérogé par accord d’entreprise sauf lorsque l’accord d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes. Ces stipulations portent sur :

  • les salaires minima, les classifications, la mutualisation des fonds de financement du paritarisme, les garanties de protection sociale complémentaire ;
  • les mesures relatives au régime d’équivalences, au nombre d’heures entraînant la qualification de travailleur de nuit, la durée minimale de travail à temps partiel inférieure à 24 heures, au taux de majoration des heures complémentaires, à l’augmentation temporaire de travail des salariés à temps partiel ;
  • l’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à un an dans la limite de 3 ans ;
  • les mesures relatives aux contrats à durée déterminée, aux contrats de travail temporaire et au contrat à durée indéterminée de chantier, à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, aux périodes d’essai, aux modalités de transfert des contrats de travail prévues par les conventions collectives ;
  • les cas de mise à disposition d’un salarié temporaire auprès d’une entreprise utilisatrice ayant pour objet de favoriser le recrutement de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ou d’assurer un complément de formation professionnelle au
    salarié ;
  • la rémunération minimale du salarié porté ainsi que le montant de l’indemnité d’apport d’affaire.

Depuis le 24 septembre 2017, les accords de branche conclus sur ces thèmes priment sur les accords d’entreprise conclus avant ou après l’entrée en vigueur de l’accord de branche, sauf garanties au moins équivalentes prévues dans l’accord d’entreprise.

Le deuxième bloc est constitué des domaines dans lesquels un accord de branche étendu peut prévoir expressément que l’accord d’entreprise conclu postérieurement à l’accord de branche ne peut comporter de stipulations différentes de celles de cet accord sauf lorsque l’accord d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes. Il s’agit de :

  • La prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels (la « pénibilité »),
  • L’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;
  • L’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical ;
  • Les primes pour travaux dangereux ou insalubres.

Ces dispositions s’appliquent aux accords de branche conclus à compter du 24 septembre 2017.

Les clauses des accords de branche étendus conclus avant cette date continuent de s’appliquer si un avenant confirmant leur portée est conclu avant le 1er janvier 2019.

Un accord d’entreprise assurant des garanties au moins équivalentes s’appliquera prioritairement ou à défaut d’accord de branche sur ces thèmes.

Dans tous les autres domaines, au 1er janvier 2018, l’accord d’entreprise, conclu antérieurement ou postérieurement à l’accord de branche, prime sur ce dernier.

Au 1er janvier 2018, l’accord d’entreprise conclu antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de l’accord de branche prime sur l’accord de branche conclu sur les mêmes dispositions. En l’absence d’accord d’entreprise, l’accord de branche s’applique et, à défaut, les dispositions légales prennent le relai

Dans les autres matières que toutes celles mentionnées ci-dessus, les stipulations de la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche prévalent sur celles ayant le même objet et prévues par la convention de branche. En l’absence d’accord d’entreprise, la convention de branche s’applique.

S’il existe sur ces sujets des clauses d’impérativité au niveau de l’accord de branche, elles ont cessé de produire leurs effets depuis le 1er janvier 2018.

Ainsi, afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi, un accord d’entreprise peut :

  • Aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;
  • Aménager la rémunération ;
  • Déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
  • Définir le forfait en jours sur l’année, les indemnités de licenciement ou de départ à la retraite (en respectant le minimum légal), etc. …

Dans cette hypothèse, les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail.

A noter que si le salarié refuse la modification de son contrat, cela constitue un motif réel et sérieux de licenciement et non un motif économique.

 

II. Les négociations obligatoires en entreprise au niveau annuel et triennal

 En amont de la négociation, il est engagé, à l’initiative de l’employeur ou à la demande d’une organisation syndicale de salariés représentative, une négociation précisant, le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de négociation dans le groupe, l’entreprise ou l’établissement impliquant notamment d’aborder la périodicité et le contenu de chacun des thèmes, le calendrier et les lieux des réunions, les informations à remettre par l’employeur et selon quels délais.

Si un accord est trouvé, sa durée de validité est limitée à 4 ans.

A défaut d’accord sur cette négociation, chaque année, l’employeur engage une négociation sur :

  • La rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise portant sur :
    • Les salaires effectifs ;
    • La durée effective et l’organisation du temps de travail, notamment la mise en place du temps partiel et, le cas échéant, la réduction du temps de travail ;
    • L’intéressement, la participation et l’épargne salariale, à défaut d’accord d’intéressement, d’accord de participation, de plan d’épargne d’entreprise, de plan d’épargne pour la mise à la retraite collectif ou d’accord de branche comportant un ou plusieurs de ces dispositifs.
    • Le suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les  différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.

A défaut de négociation sur les salaires effectifs, l’employeur est soumis à une pénalité de 10 % des exonérations de cotisations sociales dont l’entreprise a bénéficié dans l’année, sachant que le manquement peut être constaté sur les trois années précédant le contrôle. En cas de récidive sur une période de 6 ans, la pénalité est portée à 100 % des exonérations sociales.

  • L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail portant sur :
    • L’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle ;
    • Les objectifs et les mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de suppression des écarts de rémunération, d’accès à l’emploi, de formation professionnelle, de déroulement de carrière et de promotion professionnelle, de conditions de travail et d’emploi, en particulier pour les salariés à temps partiel, et de mixité des emplois.
    • Les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle ;
    • Les mesures relatives à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés,
    • Les modalités de définition d’un régime de prévoyance selon des conditions au moins aussi favorables que celles prévues dans le code de la sécurité sociale, d’un régime de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, à défaut de couverture par un accord de branche ou un accord d’entreprise ;
    • L’exercice du droit d’expression directe et collective des salariés ;
    • Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale.

En l’absence d’accord sur les modalités de la négociation et sur les thèmes de la négociation annuelle, l’employeur établit un plan d’action annuel destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

A défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Les entreprises d’au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord sur les mesures destinées à garantir une égalité professionnelle ou, à défaut d’accord, par des objectifs et des mesures inscrites dans un plan d’action. Le montant de cette pénalité est de 1% des salaires.

  • Dans les entreprises ou groupe d’au moins trois cents salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire comportant au moins une entreprise de cent cinquante salariés en France, l’employeur engage tous les trois ans, notamment sur le fondement des orientations stratégiques de l’entreprise et de leurs conséquences, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiersportant sur :
    • La mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi que sur les mesures d’accompagnement susceptibles de lui être associées, en particulier en matière de formation, d’abondement du compte personnel de formation, de validation des acquis de l’expérience, de bilan de compétences ;
    • Les grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle dans l’entreprise et les objectifs du plan de formation ;
    • Les perspectives de recours par l’employeur aux différents contrats de travail, au travail à temps partiel et aux stages, ainsi que les moyens mis en œuvre pour diminuer le recours aux emplois précaires ;
    • Le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l’exercice de leurs fonctions.

 

III. Comment conclure un accord d’entreprise ?

A. Dans une entreprise sans délégué syndical

1- Entreprise de moins de 11 salariés

 Dans ces entreprises il n’y a pas de négociation à proprement parler, l’employeur propose un projet d’accord aux salariés sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective d’entreprise (ex. organisation du temps de travail, mise en place d’une prime, taux de majoration pour heures supplémentaires, etc.).

Le projet d’accord est valide lorsqu’il est ratifié à la majorité des 2/3 du personnel.

Pour ce faire, l’employeur communique à chaque salarié le projet d’accord et les modalités d’organisation de la consultation au moins 15 jours avant la date de consultation.

L’employeur fixe :

  • Les modalités de transmission aux salariés du texte de l’accord ;
  • Le lieu, la date et l’heure de la consultation ;
  • L’organisation et le déroulement de la consultation ;
  • Le texte de la question soumise aux salariés.

Pour que l’accord soit approuvé par les salariés, l’employeur organise une consultation, par tout moyen, pendant le temps de travail. Il doit veiller à ce que le caractère personnel et secret de la consultation soit garanti.

Le résultat de la consultation est porté à la connaissance de l’employeur à l’issue de la consultation, qui se déroule en son absence. Un PV est dressé, publié dans l’entreprise par tout moyen et annexé à l’accord approuvé lors de son dépôt auprès de la DIRECCTE (procédure de droit commun du dépôt des accords selon les articles R. 2231-1 à R. 2231-9 CT).

2- Entreprise de 11 à 50 salariés

a. Entreprise sans comité sociale et économique 

  • Entreprise de 11 à 20 salariés :

Dans ces entreprises, l’employeur peut proposer un projet d’accord dans les conditions prévues pour les entreprises de moins de 11 salariés décrites ci-dessus (III. A. 1).

  • Entreprise de plus de 20 à moins de 50 salariés :

Dans ces entreprises, l’employeur ne peut négocier un accord qu’avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés.
Le mandat doit être donné par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives (OSR) dans la branche ou, à défaut, par une ou plusieurs OSR au niveau national et interprofessionnel. Une même organisation ne peut mandater qu’un seul salarié.

Les accords ainsi négociés peuvent porter sur tous les thèmes ouverts à la négociation collective d’entreprise (ex. organisation du temps de travail, mise en place d’une prime, taux de majoration pour heures supplémentaires, etc.).

Pour être valide, l’accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

L’employeur organise une consultation, dans un délai de 2 mois à compter de la date de conclusion de l’accord. Cette consultation se déroule pendant le temps de travail, au scrutin secret sous enveloppe ou par voie électronique, dans le respect des principes généraux du droit électoral.

Au préalable, l’employeur consulte le ou les salarié(s) mandaté(s) sur les modalités d’organisation de la consultation qui doivent prévoir :

  • Les modalités d’information des salariés sur le texte de la convention ou de l’accord ;
  • Le lieu, la date et l’heure du scrutin ;
  • Les modalités d’organisation et de déroulement du vote ;
  • Le texte de la question soumise au vote des salariés.

L’employeur informe ensuite les salariés, au moins 15 jours avant la date du scrutin, des modalités de la consultation.

Un PV est dressé, publié dans l’entreprise par tout moyen et annexé à l’accord approuvé lors de son dépôt auprès de la DIRECCTE. Il est également adressé à l’organisation  syndicale mandante.

b. Entreprise avec un comité sociale et économique

 Les accords d’entreprise peuvent être négociés, conclus et révisés, indifféremment soit par :

  • Un ou des membres titulaires du CSE (mandatés ou non) ;
  • Un ou plusieurs salariés expressément mandatés

L’employeur a donc le choix du mode de négociation : il n’a plus l’obligation d’informer les organisations syndicales de son intention de négocier et le mandatement syndical n’est plus prioritaire.

Les accords ainsi négociés peuvent porter sur tous les thèmes ouverts à la négociation collective d’entreprise (ex. organisation du temps de travail, mise en place d’une prime, taux de majoration pour heures supplémentaires, etc.).

Les conditions de validité des accords, ou des avenants de révision, dépendent du ou des négociateurs :

  • Si l’accord est négocié avec un ou des membres titulaires du CSE, mandaté (s) ou non, il doit, pour être valable, être signé par des membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
  • Si l’accord est négocié avec un ou plusieurs salariés mandatés (non membres du CSE), il doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés dans les conditions décrites ci-dessus (III. A. 2. a.).

3- Entreprise d’au moins 50 salariés

a. Entreprise sans comité social et économique (PV de carence total)

 Dans ces entreprises, l’employeur ne peut négocier un accord qu’avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés.

Tous les thèmes sont ouverts à la négociation. L’accord ainsi conclu doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés dans les conditions décrites ci-dessus (III. A. 2. a.).

b. Entreprise avec un comité social et économique

 Dans ces entreprises, la négociation avec les élus mandatés est le principe. Elles ont donc la possibilité de négocier selon 2 autres modalités seulement si aucun élu n’a été mandaté.

La procédure suivante doit être respectée :

L’employeur qui souhaite négocier fait connaître son intention aux membres du CSE et aux OSR de la branche (ou, à défaut, les OSR au niveau national et interprofessionnel) de sa décision d’engager des négociations.

Dans le mois suivant la date à laquelle ils ont été informés, les élus qui souhaitent négocier font savoir s’ils sont mandatés.

A défaut d’élu mandaté, l’employeur négocie avec des élus non mandatés qui le souhaitent.

Si aucun élu ne souhaite négocier dans le délai d’un mois, un salarié peut être expressément mandaté à cet effet.

  • Si un ou des élu(s) sont mandaté(s), les membres du CSE expressément mandatés peuvent négocier des accords collectifs sur tous les thèmes de négociation. L’accord ainsi conclu doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés dans les conditions décrites ci-dessus (III. A. 2. A.).
  • Si un ou des élu(s) ne sont pas mandaté(s), les membres du CSE qui souhaitent négocier mais qui n’ont pas été expressément mandatés par une OSR peuvent conclure et réviser des accords collectifs.
    Cependant, cette négociation ne peut porter que sur les accords portant sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, à l’exception des accords de méthode sur les procédures de licenciement économique.
    L’interprétation la plus stricte serait de considérer que les mesures visées sont uniquement celles pour lesquelles la loi ne prévoit que l’accord collectif comme mode de mise en place.
    Cependant, même en retenant l’interprétation la plus rigide, les thèmes de négociation sont en réalité très ouverts (la mise en place d’un CET, la mise en place d’un forfait en jours sur l’année, la mise en place du travail de nuit ou en soirée, une modification du taux de majoration pour heures supplémentaires, un aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, une modification de la définition de la semaine civile, la mise en place du travail intermittent, les conditions du report de congés payés, …).
  • La validité des accords ou des avenants de révision ainsi conclus est subordonnée à leur signature par des membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
  • Si un ou des salarié(s) sont mandaté(s), ces derniers peuvent négocier, conclure et réviser des accords collectifs sur tous les thèmes de négociation. L’accord ainsi conclu doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés dans les conditions décrites ci-dessus (III. A. 2. A.).

B. Dans une entreprise dotée de délégués syndicaux

 La loi du 8 août 2016 prévoyait que lorsque l’accord était signé par des organisations syndicales représentatives ayant obtenu 30% des suffrages exprimés aux élections professionnelles en faveur des organisations représentatives, la validité de l’accord était subordonnée à son approbation par la majorité des salariés. Cette consultation ne pouvait être demandée que par les organisations syndicales signataires. Le texte de l’ordonnance étend à l’employeur la faculté de demander l’organisation de cette consultation à la condition toutefois que l’ensemble de ces organisations ne s’y opposent pas. Les conditions de validité du protocole fixant les modalités d’organisation de cette consultation sont également modifiées : ainsi, pour être valable, celui-ci doit être signé par l’employeur et par les organisations syndicales représentatives ayant obtenu 30% des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives aux élections professionnelles et non plus seulement par les organisations syndicales signataires.

A compter du 1er mai 2018, le principe de l’accord majoritaire s’appliquera à tous les accords conclus dans les entreprises dotées d’un ou plusieurs DS.

1- Qu’est-ce qu’un accord majoritaire ?

Un accord d’entreprise (ou d’établissement) est dit « majoritaire » lorsqu’il est signé par une ou plusieurs OS représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur des OSR au 1er tour des dernières élections du CSE (ou, avant sa mise en place, au CE, le cas échéant DUP, ou à défaut DP).

2- Qu’est-ce qu’un accord minoritaire ?

 Un accord est dit « minoritaire » si les OS représentatives signataires ne disposent que de 30 % à 50 % des suffrages exprimés en faveur des d’OS représentatives au 1er tour des dernières élections. Dans ce cas, pour être valide, l’accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Pour approuver un accord minoritaire, les OS signataires disposent d’un délai d’un mois suivant la date de conclusion de l’accord pour demander à l’employeur d’organiser une consultation des salariés.

Au terme de ce délai d’un mois, l’employeur peut organiser cette consultation en l’absence d’opposition de l’ensemble des OS signataires.

Si, à l’issue d’un délai de 8 jours à compter de la demande des OS ou de l’initiative de l’employeur, les éventuelles signatures d’autres OSR n’ont pas permis de dépasser les 50 % requis, la consultation est organisée dans un délai de 2 mois.

Un protocole, signé entre l’employeur et une ou des OSR ayant recueilli plus de 30 % des suffrages en faveur des d’OSR au 1er tour des dernières élections, (signataires de l’accord minoritaire, ou non) fixe les modalités de la consultation.

L’accord prévoit notamment :

  • Les modalités d’information des salariés sur le texte de la convention ou de l’accord.
  • Le lieu, la date et l’heure du scrutin.
  • Les modalités d’organisation et de déroulement du vote.
  • Le texte de la question soumise au vote des salariés.

Si l’employeur et les OSR ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les modalités d’organisation de la consultation, l’employeur fixe seul ces modalités. Elles s’appliqueront à défaut de saisine du TI dans les 8 jours.

L’employeur informe ensuite les salariés, au moins 15 jours avant la date du scrutin, des modalités de la consultation.

La consultation se déroule pendant le temps de travail, au scrutin secret sous enveloppe ou par voie électronique, dans le respect des principes généraux du droit électoral.

Un PV est dressé, publié dans l’entreprise par tout moyen et annexé à l’accord approuvé lors de son dépôt auprès de la DIRECCTE.

 

IV. Le contentieux sur les accords collectifs

 Concernant la charge de la preuve, il appartient à celui qui conteste la légalité d’un accord collectif de démontrer qu’il n’est pas conforme aux conditions légales qui le régissent.

Les accords collectifs bénéficient ainsi d’une présomption simple de légalité jusqu’à ce que celui qui introduit un recours apporte la preuve de sa non-conformité.

Dans le cadre d’une demande en nullité de l’accord, le délai de prescription de l’action en nullité d’un accord passe de 5 ans à 2 mois. Ainsi, un accord conclu depuis le 24 septembre 2017 n’est plus contestable 2 mois après :

  • La notification de l’accord, pour les syndicats disposant d’une section syndicale dans l’entreprise, à l’ensemble des organisations représentatives.
  • La publication de l’accord dans la base de données nationale dans tous les autres cas.

Le juge peut décider, lorsqu’il annule un accord, de limiter les effets de cette annulation. En effet, il peut décider de moduler l’effet rétroactif de l’annulation lorsqu’il estime que les conséquences de sa décision sont manifestement excessives. Le juge a donc le choix de limiter les effets de l’annulation que pour l’avenir ou de les limiter dans le temps (Ex. pour le paiement des heures supplémentaires en cas d’annulation d’un accord sur le forfait en jours sur l’année).

 

V. Articulation accord collectif et contrat de travail

En principe, si un texte conventionnel vise un élément du contrat de travail qui a été contractualisé, l’accord collectif ne peut à lui seul modifier le contrat de travail ce qui suppose alors l’accord du salarié et la signature d’un avenant.

A défaut d’accord, l’employeur doit renoncer à cette modification ou engager une procédure de licenciement en cas de refus du salarié. Dans la dernière situation, il faut cependant que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Toutefois, Il est des cas où le législateur écarte explicitement dans un domaine spécifique l’application des règles relatives à la modification du contrat de travail de droit commun. Il est ainsi organisé un régime spécifique de rupture du contrat de travail si un salarié refuse la modification de son contrat de travail issue de l’application d’accord collectif portant sur certains sujets. C’est le cas des accords de réduction du temps travail, de mobilité interne, de maintien de l’emploi ainsi que de préservation et de développement de l’emploi.

Ainsi, le licenciement d’un salarié qui refuse une modification de son contrat de travail consécutive à l’application d’un accord collectif de réduction de la durée du travail est soumis aux règles du licenciement pour motif personnel.

En revanche, le licenciement d’un salarié qui refuse l’application à son contrat de travail d’un accord de mobilité professionnelle ou géographique interne repose sur un motif économique mais uniquement selon la procédure prévue en cas de licenciement individuel.

Il en va de même pour le salarié qui refuse l’application d’un accord de maintien de l’emploi. Le code du travail précise que le licenciement a d’office une cause réelle et sérieuse et que l’employeur n’est tenu de proposer qu’un contrat de sécurisation professionnelle ou un congé de reclassement selon l’effectif de l’entreprise. Mais, il n’est pas tenu par l’obligation préalable de reclassement.

Enfin, le licenciement d’un salarié qui refuse l’application d’un accord de préservation ou de développement de l’emploi repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse et est soumis à certaines modalités du licenciement pour motif économique. Les dispositions relatives aux obligations de reclassement, le congé de sécurisation de l’emploi ou de reclassement ne sont pas applicables. Mais un dispositif d’accompagnement est organisé (parcours d’accompagnement personnalisé assuré par pôle emploi : élaboration d’un projet professionnel, actions de formation…).

La multiplication de ces exceptions nécessitait une harmonisation. Ainsi, les accords de réduction du temps de travail, de mobilité interne, de préservation et de développement de l’emploi ainsi que de maintien de l’emploi précités sont supprimés. Désormais ces accords sont unifiés dans un accord collectif unique organisé, applicable à partir de la publication des décrets d’application.

Ce nouvel accord est destiné, comme par le passé, à préserver et développer l’emploi mais aussi à répondre aux nécessités liées au bon fonctionnement de l’entreprise.

L’accord peut afin de répondre à cet objectif :

  • Aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;
  • Aménager la rémunération dans le respect du Smic et des minima conventionnels ;
  • Déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Contrairement aux accords de préservation et de développement de l’emploi, cet accord peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié. En effet, si l’accord précité pouvait définir cette rémunération, son montant ne pouvait pas être inférieur à la moyenne, sur les 3 mois précédant la signature de l’accord. Une telle limite n’est plus prévue dans le nouveau dispositif.

Les dispositions de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail des salariés concernés (art. L. 2254-2 CT). Le salarié peut, cependant, refuser la modification de son contrat de travail. Il dispose alors d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus par écrit à l’employeur à compter de la date à laquelle ce dernier a communiqué dans l’entreprise sur l’existence et le contenu de l’accord.

Le refus du salarié, dans les conditions précitées, justifie son licenciement pour une cause réelle et sérieuse. Ce licenciement obéit à un régime sui generis : il ne constitue pas un licenciement pour motif économique. Il est toutefois soumis à certaines dispositions applicables au licenciement pour motif personnel, notamment en matière d’entretien préalable et de notification du licenciement, de préavis et d’indemnité.

 

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